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Affaire Tapie : le professeur Thomas Clay persiste et signe

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Dans le cadre des auditions sur les conditions de la condamnation du CDR, structure de cantonnement des actifs douteux du Crédit Lyonnais, à verser une somme de 240 millions d’€ aux liquidateurs du groupe Tapie et 45 millions aux époux Tapie au titre du préjudice moral, par un tribunal arbitral, le professur Thomas Clay fait part de tout le mal qu’il pensait du choix même de l’arbitrage dans cette affaire.

Il récidive dans sa chronique de fin d’année paru au recueil Dalloz (Recueil Dalloz 2008 p 3111). Qu’on en juge :

« L’année 2008 n’aura pas été un bon cru pour l’arbitrage. Celui-ci a connu les affres de la notoriété à travers l’affaire CDR c/Tapie qui l’a soudainement porté à la connaissance du grand public dans une représentation infidèle de ce qu’il est et dans une déformation orchestrée de ce qu’il doit être. » Le professeur directeur du Master Professionnel arbitrage et commerce international regrette profondément « qu’on ait parfois pu confondre l’arbitrage avec cet arbitrage à propos duquel d’autres révélations sont peut être encore à venir ».

Il reconnaît à cette affaire néanmoins un mérite, celui d’enterrer, peut être définitivement, les projets d’extension de l’arbitrage en matière administrative. On se souvient, en effet, comme le rappelle le professeur, que le conseil Constitutionnel avait, en 2007 avait censuré l’article autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives au recours à l'arbitrage par les personnes morales de droit public comme étant un cavalier législatif (sans lien avec la loi sur la protection juridique des majeurs). Toutefois, une nouvelle loi pouvait fort bien ouvrir des possibilités d’arbitrage pour les personnes publiques sans pour autant enfreindre la Constitution. « Avec le tohu-bohu provoqué par l’affaire CDR c/Tapie, précisément parce qu’il s’agissait d’argent public, il est probable, et souhaitable, selon le professeur, que les velléités de créer une autre forme d’arbitrage pour les personnes morales de droit public…soient remisées ». L’important, en effet, comme l’a exprimé le barreau de Paris, est que « le juge judiciaire reste seul compétent pour encadrer le procédure, depuis les débats jusqu’à l’exécution de la sentence ».

Dans les propos de Thomas CLAY, il y a l’idée que le CDR ne pouvait pas compromettre sans qu’une disposition législative l’ait autorisé à le faire. Il semble même considérer que la disposition censurée par le Conseil Constitutionnel n’était pas étrangère à l’affaire en cause. Il y a aussi l’idée qu’il existerait un modèle unique d’arbitrage qui serait en quelque sorte dénaturé par son adaptation aux règles du droit public.

Pourtant, Thomas CLAY reconnaît lui-même qu’il existe des formes d’arbitrage déjà autorisées comme pour les contrats de partenariat public/privé puisqu’ils comportent obligatoirement des clauses permettant d’avoir recours, notamment, à l’arbitrage « avec application de la loi française », mais présentées comme de « l’arbitrage traditionnel ». Pourtant, nous semble-t-il, les parties ne sont pas autorisées à déroger aux règles de compétence juridictionnelle. Autrement dit, le juge administratif demeurerait compétent pour examiner les sentences tant en appel qu’en cassation. En tout état de cause, d’après l’auteur, « on sait que la possibilité d’insérer une clause d’arbitrage dans les contrats de partenariat est un élément d’attractivité de ces contrats et une explication de son succès » Ils ont donc une utilité administrative que leur reconnaît l’auteur.

Pourtant, les contrats de partenariat, qui sont des contrats administratifs, confient à un partenaire privé la mission globale à la construction d’équipements publics, leur financement, leur entretien, maintenance et exploitation ou gestion, moyennant paiement par la personne publique d’un loyer. Nous sommes donc bien en présence de deniers publics et la clause de confidentialité n’est guère applicable, par exemple, aux collectivités locales (seuls le déroulement de l’instance arbitrale et l’instruction ne sont pas publics). La présence de deniers publics, répétons-le, n’est donc en rien incompatible avec le recours à l’arbitrage, comme le reconnaît Thomas CLAY avec l’exemple des contrats de partenariat. Par ailleurs, comme le rappellent Célia Vérot et Philippe Terneyre à propos du projet d’étendre les possibilités d’arbitrage (AJDA/2008 p905) « dores et déjà, lorsqu’un contrat administratif est en cause et qu’il est susceptible de faire l’objet d’une procédure d’arbitrage, la sentence relève, pour ses voies de recours et son exequatur, de la juridiction administrative. C’est le droit positif ». Fort heureusement, l’arbitrage ne modifie en rien les compétences juridictionnelles.

Mais on peut dire aussi que la présence de deniers publics n’est pas un critère de répartition des compétences entre juridictions. Ainsi, pour ce qui concerne l’affaire CDR c/Tapie, les conséquences dommageables des conditions de cession d’Adidas constituaient un litige de droit privé entre les banques et le groupe Tapie. Si le législateur a créé une structure de cantonnement des actifs douteux par le biais d’une société de droit privé, le CDR, il lui a fait obligation de gérer les contentieux passées du Groupe Lyonnais susceptibles de venir davantage « plomber » le bilan de la banque. A défaut, en tout état de cause, l’Etat aurait été obligé de prendre directement des participations au sein de la banque pour la recapitaliser. En tant que société holding privé, le CDR ou ses filiales avait la possibilité de compromettre nonobstant la présence en son sein d’un actionnaire unique, l’EPFR, établissement public administratif. Et si le CDR s’est substitué au Lyonnais, (en langage juridique, le CDR est venus aux droits et obligations du lyonnais) nous étions toujours en présence d’un contentieux privé entre des personnes privées. Nul n’a songé, et pour cause car il s’agissait bien d’une hypothèse absurde, à soulever l’incompétence des juridictions judiciaires. Pourtant, dénier au CDR la capacité de compromettre sous prétexte que son actionnaire unique public ne le peut juridiquement pas, c’est soulever en réalité la transparence de la structure de cantonnement et vouloir soumettre le litige à la juridiction administrative.

En tout état de cause, le projet d’extension de l’arbitrage au profit des personnes publiques n’avait aucun rapport avec l’affaire CDR c/Tapie.  Il semble là que le professeur ait repris sans précaution la thèse journalistique du complot généralisé . En effet, si, l’on en croit le président Labetoulle (AJDA 2007 p772), l’arbitre dans le projet d'extension ne pourrait pas statuer en amiable compositeur (autrement dit, il ne pourrait statuer qu’en droit et non en équité). Surtout, le recours à l’arbitrage ne serait possible que pour les litiges nés de l’exécution d’un contrat passé par toute personne publique (ce que n’ai pas, répétons le, le CDR), quelle que soit sa taille ou son statut et opposant les parties à ce contrat, à l’exclusion de la responsabilité délictuelle ou extra-contractuelle. « Seuls y sont exclus les contrats de louage de service ». Or, le mandat de vendre des titres d’Adidas était bien un contrat de « louage de service ». Par ailleurs, le contientieux pouvait parfaitement rebondir sur des aspects délictuels ou extra-contractuels. Donc, l’affaire CDR c/Tapie n’entrait absolument pas dans le champ d’application du projet Labetoulle d’extension des possibilités d’arbitrage favorables aux personnes publiques. Dans ces circonstances on ne voit pas en quoi les conditions dans lesquelles le recours à l’arbitrage dans l’affaire CDR c/Tapie affecteraient le principe même de l’extension de l’arbitrage aux personnes publiques. Sauf à amalgamer des choses qui n’ont qu’un rapport lointain entre elles…

 


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